C’est par la voix de Claude Joseph, le Premier ministre, que les Haïtiens ont appris la mort de leur président à leur réveil. « Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République », a-t-il affirmé. Le sort de son épouse, blessée dans l’attentat qui a eu lieu vers 01h00 heure locale et hospitalisée, était incertain. Certains médias ont annoncé son décès. « Elle reçoit actuellement les soins que son cas nécessite », a dit le Premier ministre. Quelques heures plus tard, l’ambassadeur haïtien aux États-Unis a annoncé que la Première dame haïtienne sera évacué à Miami pour être soignée.
« Ils ont tiré et tué le président et blessé sa femme », a déclaré le Premier ministre, assurant que cette mort « ne resterait pas impunie ». Claude Joseph a promis que « les auteurs, les assassins de Jovenel Moïse paieraient pour ce qu’ils ont fait devant la justice ».
Quelques heures après l’assassinat, de premiers éléments ont commencé à émerger sur le profil des suspects. Les auteurs du meurtre se sont présentés à la résidence du président Jovenel Moïse, disant appartenir à l’agence américaine anti-drogues (DEA), mais leur comportement ne semblait pas conforme à ce statut, selon l’ambassadeur haïtien aux États-Unis, Bocchit Edmond. « C’était une attaque bien orchestrée et ce sont des professionnels », a déclaré le diplomate. « Nous avons une vidéo, et nous pensons qu’il s’agit de mercenaires. »
La police a indiqué mercredi le 7 juillet soir avoir poursuivi les membres présumés du commando aussitôt après l’attaque et que les forces de l’ordre continuaient de mener dans la soirée une opération dans les hauteurs de la capitale Port-au-Prince. « Quatre mercenaires ont été tués, deux ont été interceptés sous notre contrôle », a fait savoir dans une allocution télévisée le directeur général de la police nationale haïtienne. « Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés. » Aucune autre information sur l’identité ou les motivations des auteurs de l’assassinat n’a été divulguée.
Quelques heures après l’annonce de la mort de Jovenel Moïse, le Premier ministre a déclaré l’état d’urgence dans tout le pays, octroyant ainsi des pouvoirs renforcés à l’exécutif. Claude Joseph a aussi appelé la population au calme et fait savoir que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre.
« La situation sécuritaire est sous contrôle », a-t-il assuré, alors que les rues de la capitale Port-au-Prince étaient calmes, sans présence renforcée – pour l’instant – de la police ou des forces de sécurité.
Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers l’anarchie généralisée, le Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis et l’Europe appelaient à la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici la fin 2021. Jovenel Moïse avait annoncé lundi la nomination d’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, avec justement pour mission la tenue d’élections.
Une mission complexe : gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement, et alors que la durée de son mandat faisait l’objet de contestations, Jovenel Moïse avait mis en chantier une réforme institutionnelle. Cette dernière avait pour but d’apporter un peu de stabilité à un système chancelant : Jovenel Moïse aura nommé pas moins de sept Premiers ministres au cours de son mandat. Le dernier en date, Ariel Henry, n’aura pas pu entrer en fonction.
Dès l’annonce du drame, la République dominicaine a ordonné mercredi le 7 juillet la « fermeture immédiate » de sa frontière avec Haïti, les deux pays se partageant la même île. Le président américain Joe Biden a condamné cet « acte odieux », disant les États-Unis prêts à apporter leur aide au pays en crise.
« Les États-Unis continuent de considérer que les élections de cette année devraient être maintenues », a ajouté le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price lors d’un point-presse, jugeant qu’un scrutin libre « favoriserait le transfert pacifique du pouvoir à un président nouvellement élu ».
Le président Jovenel Moïse a été assassiné par un commando armé mercredi le 7 juillet en pleine nuit à son domicile. Un drame de plus à Haïti, qui s’enfonce dans la crise.
L’Union européenne, elle, s’est inquiétée d’une « spirale de violence » par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell et Paris a dénoncé un « lâche assassinat ».
