Arkadi Babtchenko est peut-être le premier journaliste de l’histoire à avoir passé une journée à lire les nécrologies émues que ses confrères du monde entier lui ont consacrées. C’est au fil d’un scénario au mieux génial, au pire tordu, qu’hier, à Kiev, le plus grand reporter de guerre russe contemporain est ‘ressuscité‘ en chair et en os, à une conférence de presse des services secrets (SBU), dix-neuf heures après l’annonce de sa mort.
Alors que toute la presse attendait des éclaircissements sur les circonstances du meurtre du journaliste, la veille, le chef du SBU, Vasyl Hrytsak, et le procureur général du pays, Iouri Loutsenko, visiblement contents de leur coup, ont placidement fait rentrer le mort dans la salle, en pleine santé, devant des journalistes incrédules. Les deux hauts fonctionnaires ont expliqué avoir fait participer Babtchenko à une «opération spéciale».
Reporters sans frontière exprime sa plus vive indignation à la découverte de la manipulation des services secrets ukrainiens pour leur guerre de l’information. Il est toujours profondément dangereux que des États jouent avec les faits, et de surcroît sur le dos des journalistes.